Ces p’tits mots si durs à dire,
Ces p’tits mots qu’on garde verrouillés à l’embrasure des lèvres,
On les emmure derrière les murailles de notre fierté bien mûre mais immature.
Ces p’tits mots, ils feraient pourtant tellement de bien à dire, tellement de bien à laisser mûrir, puis laisser fuir, pour mieux s’enfuir des soucis endurcis ici-bas.
Dire « merci »,
ça coûte parfois beaucoup, mais ne pas le dire du tout, ça peut coûter jusqu’à ta vie, tu vois ?
Alors courage, courrons, coupons court à toutes ces courbettes et soyons francs, ça coûte pas cher ni 100 francs.
Des p’tits mots, des p’tits mots qui baissent ton grand pont-levis sur la vie derrière ta forteresse, tu donnes ton adresse, sans faire ton altesse.
« Excuse-moi »,
« s’il te plait »,
ou même… « je t’aime »
Des p’tits mots, des p’tits mots, juste là, à portée de bras, mais parfois bien trop là-bas, trop loin, trop lents, trop durs à dire sans te faire applaudir, trop peur de t’alourdir d’un fardeau trop tard, trop haut.
A toi qui ne sais pas dire « non », n’oublie pas, c’est comme ton propre nom que tu laisses à l’abandon. Et qui n’a pas de nom n’existe pas. Alors refuse, diffuse ton « non », avec effusion, quitte à péter un plomb. Au moins tu coupes le cordon.
A toi qui ne peux pas dire « oui », contre quoi te bats-tu sans cesse dans la vie ? Essaye une fois, tu verras la paix, tu seras ébloui. Ta hache de guerre sera enfouie, ta colère engloutie, tu te sentiras épanoui, tout fou, inouï.
« Stop »,
« j’arrête »,
« je démissionne »
Les p’tits mots, les p’tits mots vraiment urgents, il ne faut pas les faire attendre :
« A l’aide »,
« au secours »,
« je n’en peux plus »
Ils sont bien plus importants, plus importants que d’autres futilités, pourtant ils passent toujours en derniers, relégués derrière les billevesées plus appréciées.
Normal, c’est bien plus facile de se taire. Ne rien dire, laisser faire ! Souffrir en silence, vouloir s’y faire ! Prendre son mal en patience, voir Lucifer en audience ! Tu veux te tirer d’affaire, tu panses tes plaies, le jour est l’enfer !! Ta vie est rance sans espérance dans cette errance terrible telle une erreur horrible, mais ça peut pas durer !!!
T’en fais pas,
ces p’tits mots,
ces p’tits mots,
sont là pour toi.
Quoi qu’on nous fasse croire, quoi qu’on nous ressasse, on peut avoir des faiblesses, sans qu’on les cadenasse. Ces démons qui nous oppressent, qui nous pourchassent, harassent, hélas, ils nous blessent. On voudrait que ça cesse. Pour qu’on les chasse, qu’on s’en débarrasse, il faut qu’on les confesse, demander qu’on nous embrasse, réclamer une caresse. Tu verras, ça délasse.
Personne n’est sans faille, invincible, invisible, insensible. Les faiblesses, c’est louable de les avouer. Les masquer ne les fait pas oublier. On ne peut pas les amadouer, il faut les dénouer, sinon on va s’échouer.
Jour après jour,
pierre après pierre,
mot après mot…
A vous, les muets du cœur, émus que tout écœure, dont la voix n’est que rumeur. Perdus dans vos déserts superbes, en quête du verbe, égarés dans ce silence acerbe. Si lent et glacé, acéré, un vrai sacerdoce.
A vous, les muets du cœur, libérez vos sentinelles, sidérez l’éternel, vous vous sentirez poussez des ailes.
Si les mots sont trop lourds, trop sourds, si les mots sont trop courts, laissez-vous portez par eux : apprenez cette prière primaire mais primordiale. Une prière charnière, comme une barrière aux chimères et à la colère, pour quitter les ornières :
« Ces p’tits mots, mes p’tits mots, prenez-moi dans vos bras, portez-moi après mes propres maux,
là où parole est libre,
là où parler est vivre.
Prenez-moi dans vos bras, et lisez en moi ce que je ne peux dire. Menez-moi aux mots élyséens, au mausolée lointain de mon latin. Aidez-moi à sortir de ce souterrain incertain, où je m’éteints et m’isole en vain. De ma propre parole, je ne veux plus être clandestin, mais en redevenir maître et souverain, pour enfin suivre ma voie. »
Ces p’tits mots, tes p’tits mots qui guérissent des grands maux :
« je ne veux pas »,
« respecte-moi », ..
« il me bat »
Mêmes les plus bavards ont leur façon de se taire. Leur façon de tant parler, pour te noyer les mystères, et ne pas avoir à t’en parler.
Je voudrais me faire le porte-voix de ceux qu n’en ont plus. Au nom des souvenirs fossilisés, au nom des sentiments cachés, des phrases estropiées, qui sentent l’amertume des jours bafoués. Au nom des silences qui ne se hâtent jamais, au nom des sous-entendus qui nous hantent toujours.
Je voudrais te donner le salut des secrets, le salut des silences discrets qu’on n’écoute jamais.
Je t’invite au discours des muets, au rendez-vous des absents, à l’écho des silences. Viens écouter les non-dits, c’est l’école de la résilience.
Viens dans la rue de la solitude, écoute voir la lassitude de tous ceux qui y vivent par habitude. Ils voudraient que ça change, pourtant on n’y entend passer que les anges. Rue de la solitude, on n’y parle qu’une langue : celle de ceux qui ont perdu la leur, par inquiétude, et manque de certitudes. Une langue de parole perdue.
La parole a des âges, le silence n’en a pas :
« Dis, mon père, pourquoi tu me fais faire ça ? »
Par tous les temps, les silences sont les mêmes.
En silence, l’ado goûtait les cachetons. En silence, le papa manie le bâton. En silence, la mamy perdra ses ambitions.
A tous les âges, les silences valent autant. Ils protègent des violences, mais c’est elles qui forcent au silence.
Ces p’tits mots, ces p’tits mots sont si beaux.
Ta voix est la plus belle quand tu la donnes en partage. Souviens-toi de celle qui fredonnait à tout âge. Parce que chaque mot lancé en l’air fait un écho à la misère.
Malheureusement,
ces p’tits mots si durs à dire,
même si tu réussis à les apprendre,
encore dois-tu trouver une oreille attentive,
et qui sache… les comprendre.
Elie (4 min 35)
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