Le doux cynisme de Noël (4/4)

Lire d'abord les parties 1/4, 2/4, 3/4

Cher Papa Noël, cette année je veux je voudrais…

     …Me donner bonne conscience en croyant que je sauve le monde (mais d'abord mes jouets)

- 70€ la petite peluche, c’est hors de prix, non ? 
- Mais non, regarde, 1€ est reversé à WWF.
- Ah oui, donc pour 70€ je sauve le monde, ça vaut le coup. Allez, j’en prends 2, c’est plus sûr !

Et si tu achetais plutôt une peluche plus simple, disons à 20 €, et que tu donnais 20 € à WWF (ou autre) : la peluche ne tombera jamais en panne, le don à l’association sera bien plus efficace, le tout étant moins coûteux pour toi ! 

Ce malheureux 1€ symbolique est supposé nous sensibiliser à la cause de l'environnement, mais il reste malheureusement une belle hypocrisie pour se donner bonne conscience. Ça fait oublier que cet achat est loin d’être bon pour l’environnement, et l’acheteur ne culpabilisera pas (donc achètera de façon plus sûre).

Les jeux qui n’ont pas de piles, qui ne flashouillent pas, qui ne font pas « bip-bip », ou qui sont en bois basique, sont dits « écolos ». Un peu comme une excuse apportée à l’acheteur potentiel, pour qu’il daigne tout de même considérer tel établi en bois, bien qu’il soit discret, immobile, et de couleur blafarde. (Cf. les Eco-Toys ici ou là)

Mais qu’est ce que ces jeux ont de si particulier, au juste ? Ils utilisent seulement l’énergie et les matières premières nécessaires à l’amusement, ils font imaginer l’enfant, et contribuent à ce qu’il soit plus facilement heureux plus tard. Est-ce là un jeu extraterrestre ? Non ! Au contraire, je trouve malheureux que ces jeux « normaux » soient considérés comme de bizarres jeux tamponnés « écolos ». C’est plutôt à tous les autres de porter un gros label rouge : « Je rends débile et je nuis à la planète, ne m’achetez pas ! »

J’ai pitié de ces jeux intelligents ou écologiques : ce sont les moins voyants, les moins « palpitants », leurs couleurs (gris, beige, vert pâle) ne rivalisent pas avec leurs concurrents rose fluo, « avec son et lumière ! », « essaye-moi en appuyant ici !! », etc. Plus le message est futile, au détriment de la créativité ou de la conscience terrienne de l’enfant, plus on rend son support attractif, important, détournant l’attention de l’enfant.

     « La société humaine devient un monstre, 
     un monstre malade qui va à sa propre destruction. 
     Il déploie toute l’énergie qu’il lui reste pour courir à sa propre perte. 
     Il suffirait de tendre l’oreille pour entendre le sifflement de la chute libre de notre société. »

Les jeux sur le thème de la nature ou l’écologie (ex : « C’est pas sorcier ») sont cohérents : ils sont eux-mêmes écologiques. Le support (carton recyclé et recyclable, sans pile) respecte le message véhiculé : « et si on sauvait la planète ? » Réponse : commencer par consommer avec modération, et savoir s’amuser avec des moyens simples, comme ce jeu ! Pourriez-vous imaginer un jeu sur le respect de la planète, sous forme d’appareil à 8 piles, non recyclable, qui parle, avec musique, nombreuses LEDs, et qui finira à la poubelle ? Vous êtes d’accord que ce serait choquant. Alors regardez avec un œil critique tous ces autres jouets flashy : ce n’est pas parce qu’ils ne traitent pas de la nature qu’ils peuvent se passer de la respecter.

Avant la sortie du magasin, il se trouvait que la banque alimentaire invitait les clients à donner quelques produits, qui seront redistribués aux plus démunis. La banque alimentaire ne recevait pas grand-chose, quelques malheureuses boîtes de riz ou bouteilles d’huile. Les clients, eux, leurs caddies plein à ras bord de denrées superflues ou de jouets abrutissants, hâtaient le pas. « Cachez donc cette misérable réalité que je ne saurais voir ! » (Une réalité qu'on méprise, ou une misère réelle ?) « Comment ces va-nu-pieds osent-ils violer le temple de la consommation, en venant mendier jusque devant les caisses ?... » 

La situation est la même que la suivante : que répondez-vous au mendiant assis à 2 pas du distributeur quand vous retirez de l’argent ?

De plus les bénévoles de la banque alimentaire se trouvaient juste à côté d’une insultante montagne de catalogues publicitaires du magasin, invitant à consommer sans se poser de questions, et surtout en ne pensant qu’à soi.

Campagne de pub contre la faim et la pauvreté en Afrique (photo collée au fond des caddies) : 

                  Cher Papa Noël, cette année je voudrais…

                                       … vivre jusqu’à l’an prochain.