Sur ma route d'Orpierre à Grenoble, j'ai fait une rencontre intéressante : j'ai pris en stop Bertrand, SDF chti de 50 ans, un ancien de la ferronnerie du nord. Ses parents sont morts quand il avait 6 mois. Il survit de 40€/semaine grace à son cota COTOREP.
Ce jour là, il n'avait pas mangé de la journée, je lui donc acheté un sandwich et on a pris un café ensemble. Et je lui acheté du tabac, car c'etait son seul plaisir (bien que je savais que c'etait mauvais pour lui, mais tant pis, la priorité n etait pas là).
Il allait chez un paysan à Gresse en vercors, qui l'avait pris en stop quelques mois auparavant et qui lui avait donné son adresse en cas de galère. Donc j'ai fait un détour pour le déposer. Ainsi, les gens à qui il reste le plus d'humanité sont parfois ceux les pieds bien sur terre (ou dans la terre).
Ces jours-ci, Bertrand marchait 50 km par jour en esperant qu'une voiture s'arrête. Une fois, une BMW s est approchée, a baissé sa fenetre, puis est repartie... il était dégouté de ces gens qui ont de la chance dans la vie, mais qui n'en ont pas conscience, et donc ne la partage pas avec les autres.
(...!!!... Ecrire ceci me refait penser à la scene d'Albert Dupontel en BMW qui prend un autostopppeur, dans "Deux jours à tuer", puis lui donne tout ce qu il peut... Je suis ému... A posteriori, je suis donc heureux d'avoir agi ainsi, puisque je considérais comme tres beau l'agissement du personnage de Dupontel dans cette situation.)
Les commerçants voyaient Bertrand d'un mauvais oeil, jusqu'à ce que je montre que j'etais sa "caution" et alignait l'argent...
Apres, seul, je me suis arreté à l'eglise de Gresse-en-Vercors, et j'ai vraiment compris (à nouveau) à quel point les prières qu'on adresse à Dieu sont adressées à nous meme. Ex : "donne nous notre pain de ce jour" prenait enorment de sens quand c'est moi qui ai permis à Bertrand d'avoir son sandwich du jour... (Ca rejoint ma vieille idée selon laquelle "Dieu, c'est soi-même".)
L'humanité est un grand et unique organisme vivant, on en est tous un membre, et on ne peut pas espérer avancer loin si on néglige un orteil, ou si on méprise un organe.
La vie, ça croustille, c'est comme des miettes sur un siège et une odeur de sandwich au pâté et d'alcool ; la vie n'est pas carrée, uniforme, impec' et lisse comme un meuble Ikea. Autrefois ces miettes m'auraient dérangé, mais là au contraire je les laisse et même les apprécie.
Sans imperfections, la vie n'est pas "parfaite" pour autant : elle "n'est pas", tout court. Ce sont les imperfections, la variété des rencontres, et l'intensité du vécu qui la rendent parfaite.
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